L’allaitement, bien plus que du lait
Le choix de l’allaiter ne doit appartenir qu’aux femmes**
Depuis le début des sociétés patriarcales, dans le monde entier, de nombreux médecins, penseurs, se sont permis de juger sévèrement les femmes qui n’allaitaient pas elles-mêmes leur enfant. Et pourtant, ce sont ces mêmes personnes qui ont véhiculé tous les mythes autour de l’allaitement et sexualisé la corps de la femme, empêchant par ces faits des milliers de femmes d’allaiter.
Aujourd’hui, pour certaines femmes, allaiter est une vraie remise en question de leur rapport à leur corps et notamment à leur poitrine. Il n’est pas évident, dans une société où le corps de la femme est hyper sexualisé, où sa fonction maternelle est totalement occultée de se projeter mère nourricière. Allaiter c’est aussi accepter qu’un petit être dépende entièrement de nous, et, dans notre société, de part notre éducation et l’idée que nous avons de l’indépendance, cela fait peur. Je parle de l’idée que nous avons de l’indépendance, car s’émanciper du sein, c’est se lier à l’industrie de consommation. Mais ces chaînes-là, nous avons tellement appris à vivre avec que nous ne les voyons plus.
C’est parce qu’il se passe beaucoup de choses dans l’invisible qu’il est important de laisser le choix au parent concerné d’allaiter ou non.
Et c’est pour cette même raison qu’il est primordial de protéger l’allaitement et de permettre à toutes personnes qui le souhaitent de pouvoir allaiter leur(s) enfant(s).
J’entends souvent le slogan “mieux vaut donner le biberon avec le cœur que le sein à contrecœur”, ce en quoi je suis d’accord, car la connexion de cœur à cœur est essentielle dans le lien parent-enfant, et que celle-ci me semble difficile si l’acte d’allaiter est une contrainte. Aucun parent ne devrait jamais se forcer à allaiter. Cependant, dans ma pratique, je rencontre beaucoup trop de femmes qui donnent le biberon sans que ce soit leur propre et intime décision, et ça c’est inacceptable. Inacceptable car c’est une atteinte au droit fondamental de la femme de disposer de son corps, inacceptable car c’est une atteinte à sa maternité, et au lien qu’elle crée avec son enfant, inacceptable enfin car, lorsqu’une femme entend que son lait n’est pas assez nourrissant ou qu’elle n’a pas assez de lait, son pouvoir maternel et les capacités de son corps sont remis en cause. C’est faire porter sur ces femmes une responsabilité qui n’est pas la leur, mais bien celle de notre société, incapable de les accompagner, de les protéger, de leur fournir un modèle et un soutien approprié.
Le lien est plus important que le lait
Empêcher l’allaitement est destructeur, alors que lorsqu’il est possible, il peut être vécu comme guérisseur. Bien souvent, l’allaitement réconcilie la femme avec son corps, lui fait prendre conscience de sa toute puissance, car il faut une puissance incroyable pour porter un petit être, lui donner la vie, et continuer à nourrir tout son être jusqu’à ce qu’il soit lui-même en capacité de le faire seul. Ce soin est d’autant plus fort et nécessaire quand les femmes ont été dépossédées de leur corps, que ce soit lors de l’accouchement ou de traumatismes plus anciens.
Il est primordial aujourd’hui de prendre conscience de l’aspect quantique de l’allaitement. Il est important pour le personnel soignant, de mesurer le plein impact que peut avoir l’empêchement d’allaiter sur une femme, sur son enfant, et même sur sa famille et les générations suivantes. Important pour les proches, d’arrêter de proposer aux mères de donner un biberon sous prétexte que leur lait n’est pas assez nourrissant, que le bébé tète trop, qu’il pourrait attraper le rhume de sa maman ou que sais-je encore.
Ouvrez les yeux, ouvrez votre cœur et voyez au-delà du visible, voyez tout ce qui rayonne de cet ensemble Mamatoto (Mère-enfant), pensez-vous vraiment pouvoir remplacer cette connexion par une poudre et de l’eau ?
Si, à mon sens, le lait maternel est irremplaçable, du fait de son incroyable complexité, adaptabilité et tout ce que l’on ne comprend pas de sa composition, nous savons aujourd’hui par contre, que le parent non allaitant mais maternant va également développer une forte dose d’ocytocine et de prolactine. C’est cette dimension de connexion d’être à être, d’âme à âme qui est pour moi bien plus proche de l’essence de l’allaitement, que le choix du lait donné.
*Dans cet article, lorsqu’il est évoqué le parent allaitant quel qu’il soit, les termes « mère » et « parent nourricier » sont indifféremment utilisés.
** ou de toutes personnes disposant d’au moins un sein